vendredi 5 mai 2017

Srebrenica



De Sarajevo nous décidons de poursuivre notre voyage vers Srebrenica.
La jolie route de montagne nous conduit vers des prairies d’altitudes où paissent paisiblement de modestes troupeaux. Sous la lumière de midi, quelques maisons en bois regroupées par 2 ou 3 donnent au paysage des allures de western. Puis la route continue de serpenter à travers de denses forêts de conifères aux senteurs de résines où sont disposées par groupes d’une quinzaine des ruches jaunes et bleues. Rien ne semble devoir troubler ces paysages bucoliques où quelques hommes aux visages burinés vaquent à leurs occupations pastorales.
Puis l’on redescend tranquillement le versant Nord du relief pour rejoindre une vaste vallée. De part en part sur le bord de la chaussée de nombreuses petites stèles à l’effigie de soldats morts au combat.
Au carrefour rejoignant la route principale, plusieurs maisons abandonnées criblées d’impact de balles. Peut-être un croisement considéré comme stratégique.
La vallée se fait maintenant plus étroite. Remontant la rive gauche de la rivière, toujours plus de maisons détruites ou abandonnées, portes et fenêtres simplement obstruées par des planches grossières de ceux qui ont fuit et ne sont jamais revenus. L’ambiance devient pesante, presque oppressante tant on perçoit la violence de ce qui s’est passé ici. Puis une première pancarte indiquant la direction de Srebrenica dans une dizaine de kilomètres. Nous roulons maintenant quasiment au ralenti, impressionnés, presque intimidés comme si l’on entrait dans un lieu sacré. Quelques kilomètres plus loin, sur notre droite, en face d’un bâtiment des Nations-Unies, un impressionnant alignement de petits poteaux blancs matérialisant les tombes des plus de 8000 victimes du génocide qui s’est déroulé « ici ». Deux cars scolaires déposent des enfants venus visiter le mémorial. Pour je ne sais quelle raison, nous n’osons nous arrêter ici et continuons notre route vers la ville quelques kilomètres plus loin.
Nous y entrons doucement, presque intimidés.
La place, de ce qui est en fait un gros village, illustre à elle seule tout le sous-jacent du drame de Srebrenica : cote à cote une Mosquée et une Eglise devant les ruines d’un immeuble, à quelques kilomètres du voisin Serbe.
En contre bas une gargote tenue par deux petits vieux. Nous y entrons par l’odeur alléchée. Sur le fourneau des plats mijotent doucement, exhalant des délicieuses effluves de cuisines. Nous y déjeunons pour rien en dissertant sur les risques de montée des nationalismes, découvrant sur nos smartphones l’édito du journal le Monde contre Marine Le Pen.

Nous quittons la vallée par un petit col étroit redescendant vers la Serbie. Poste frontière minable où quelques agents désœuvrés contrôlent nonchalamment les passeports. Franchissant un pont métallique antédiluvien au dessus de la rivière Drina, nous entrons dans le pays. Dès les premiers kilomètres des signes ostentatoires à la gloire de la grande Serbie. Toujours ce malaise ambiant.
Rejoignant Kraljevo en fin d’après-midi nous finissons chez Vladimir, un ami de Didier qui nous accueille les bras ouverts.
-       Vous arrivez d’où ? (dans un Anglais très correct)
-       De Srebrenica ?
-       Mais vous n’êtes pas passés par la route touristique et le Parc National de Stara Planina ? La route est très plaisante à moto.
Un vrai malaise s’installe.
Puis d’ajouter :
-       Vous savez, il ne s’est pas du tout passé ce qu’on prétend à Sebrenica. Ce n’était que des faits militaires. J’y étais.
Puis, sans que nous commentions d’avantage, Vladimir de remonter à des faits de guerre datant de 1942, quand l’armée Allemande avait massacré toute une partie de population de la ville, posant la Serbie en martyre depuis 3 générations. Le complexe des peuples victimes du populisme de leurs dirigeants…

Inutile de polémiquer, nous sommes invités à passer une bonne soirée dans un restaurant typique. Il y a tellement d’autres beaux sujets de conversations à partager entre amis de cultures différentes.



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