mardi 2 mai 2017

Sport d'hiver

 « Avec tous ces Spoutniks y’a plus d'saison mon bon m’sieur ! »

La journée avait pourtant bien démarré sous un soleil presque radieux irradiant la vallée de l’Allier que nous enjambons sur l’exceptionnel pont suspendu de Saint-Ilpize, ouvrage d’art typique de l’ère préindustrielle. A cette époque tout semblait alors possible. Le progrès était en marche pour le meilleur. Certes il arriva. Mais aussi le pire avec la première guerre mondiale, premier carnage industriel, puis sa revanche après la montée des périls nationalistes. Autre temps, autres mœurs ? L’histoire est parfois têtue. A l’aube de l’ère numérique, de nouveau le monde ressemble à une poudrière et les peuples Européen semblent frappés d’amnésie, laissant prospérer les idées populistes les plus funestes.

Nous sommes le premier Mai, pourtant cette nuit il a neigé.
Dès 800 m d’altitude les conifères ont revêtu leurs atours de sapin de Noël. La température descend jusqu’à 2° et nous devons stopper pour enfiler une couche supplémentaire, occasion d’une partie de boules de neige comme des potaches en goguette. Il nous en faut peu.
Tout juste redescendu du Massif-Central nous rebondissons sur les contreforts des Alpes aux sommets fraichement poudrés perdu dans les brumes d’altitude, magnifiques tableaux d’une nature encore à l’état brute qui me rappelle à d'autres aventures. Il fait froid et rien n’est alors meilleur dans un road trip à moto que de s’arrêter au troquet de bord de route siroter un capuccino ou chocolat chaud bien mousseux, l’occasion de parler de nos vies et du plaisir de voyager sans autre but que de découvrir le monde avec des yeux d’enfants et des fous rires d’adolescents, tout étonné de garder un esprit si jeune dans des corps déjà vieillissants. Et se demander de combien de temps la vie va nous gratifier pour profiter de ces instants précieux.
Nous redescendons le versant Italiens des Alpes sous un ciel de traine encore encombrés de lourds nuages de pluie. Le paysage est détrempée, la température remonte à peine et l’humidité engourdit les articulations inhabituellement sollicitées après de longues heures de moto en mode hivernal.
Petit arrêt, recherche de l’hôtel le plus proche sur google maps (la révolution numérique qu’il disait…) 
A seulement 3 km l’Hôtel Zenit. Nous tombons sur un « gourbi » des années 70 où deux longues tablée de jeune Africains dévorent un généreux plat de pâtes. La patronne qui respire la gentillesse nous accueille chaleureusement dans cette drôle d’ambiance. Tous ces jeunes hommes, des réfugiés semble-t-il, ont échoué ici pour le moment, attirés par l’Eldorado Européen, autre challenge pour les citoyens de notre continent.
Nous ne faisons que passer avec nos « belles machines ». Ils nous regardent sans doute avec envie. Nous ne pouvons que leur sourire.

  

Aucun commentaire: