lundi 15 mai 2017

On est allé jusqu'à Bakou !



Au départ nous nous sommes dit, on va vers l’Est jusqu’à Bakou. De là-bas nous reviendrons un peu vers l’Ouest pour attaquer, vers le Nord, la traversée de la chaîne du Caucase par la fameuse et unique passe aujourd’hui possible : la « Georgian Military Road » et son col à plus de 2500 m entre deux sommets de 5000 et 4500 m. Du grand spectacle attendu si la météo est clémente.
Puis en cours de route, le temps (pour être tout à fait honnête mon temps) étant compté, à regret nous sommes dit, tant pis pour Bakou, en imaginant bifurquer plus tôt vers le Nord pour gagner une journée.
Comme un fait exprès c’est moi qui roule devant aujourd’hui. Dans quelques kilomètres je vais devoir bifurquer et abandonner définitivement Bakou, laissant cette opportunité pour une autre fois. Une autre fois ? C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de se rendre à Bakou par la route. Et la prochaine fois ne se représentera peut-être jamais. Je ronge mon frein en imaginant tous les scénarios possibles : rouler plus longtemps pour rattraper le temps passé à Bakou, faire une étape de nuit, ayant impérativement un avion à prendre en Roumanie dans moins d’une semaine.
Par chance il se trouve que c’est l’heure du déjeuner. Je stoppe donc à la première gargote de bord de route quelques kilomètre avant la bifurcation de non-retour et, à peine nos casques enlevés, proposent de tenter de rejoindre Bakou dans le temps imparti à mes camarades, un peu gêné de devoir leur mettre la pression de mes contraintes de temps.
Tout juste ai-je eu le temps d’exposer ma proposition que, tout sourire et comme un seul homme, Didier et Jo me renvoient à mes responsabilités :
-       Mais c’est toi qui te met la pression, Fred, nous on n’est pas à un jour près. Et si nous sommes à la bourre pour ton avion, tu n’auras qu’à prendre les devants en te collant tout seul l’étape de nuit.
Evidemment, pourquoi n’y avait-je pas pensé ?
Et tous deux d’ajouter :
-       On s’avait bien que tu finirais par nous le proposer…
Je les embrasse. C’est vrai que nous n’avons plus vraiment besoin de parler pour nous comprendre. Ils n’avaient même pas eu besoin de me soumettre l’idée pour qu’elle vienne comme une évidence, sans que cela n’entraine la moindre tension ou frustration.

Allez savoir pourquoi le magnétisme de Bakou agit comme celui d’autre villes du bout du monde telles Vladivostok, Cape Town, Ushuaia, Brest... Un jour on se dit qu’on s’y rendra, puis l’idée ne vous quitte plus. Il y a alors ceux qui en parlent et ceux qui le fond.
Manquer un telle occasion eut été un regret éternel. Nous voilà donc en chemin pour Bakou. Environ 350 km à avaler avant le nuit. Nous avançons bon train sur l’excellente route vers cette ville mythique du pétrole sur la Caspienne, comme un eldorado vers le « Far-East » au bout de la péninsule d’Abseron.
Au cœur de l’Asie Centrale, cette ville portuaire et pétrolière jouit aussi d’une situation stratégique unique à l’origine des biens fantasmes alimentés par la mythologie orientaliste colportée par voyageurs et commerçants.
Le soleil décline doucement dans notre dos, projetant nos ombres sur l’asphalte devant nous, comme pour nous faire aller plus vite. Imperceptiblement la température diminue et l’air devient plus humide. L’influence déjà perceptible de la mer… Puis au détour d’un virage à gauche le grand bleu. Bakou est encore à quelques dizaines de kilomètres. Un vieux derrick à balancier toujours en activité sur une plaine souillée. Puis la route s’élève un peu dans un paysage de désert avant de redescendre vers le littoral pour enfin apercevoir l’anse de Bakou. Nous stoppons là entre la chaussée et la mer pour ne rien manquer de l’instant. En arrière-plan Bakou éclairée par le soleil couchant. Nous nous tombons dans les bras sous les coups de klaxon et appels de phare enthousiastes des camions en route vers la citée « légendaire ». Les gens d’ici ont bien compris ce que veut dire ce voyage pour nous, et cette intense émotion de toucher un rêve. Le temps s’arrête pour un instant à mi-parcours de cette Transcausienne.
(Promis, je vous raconterai Bakou dans une prochaine chronique. La route est longue et le temps me manque aujourd’hui).



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